Haro sur la police de la pensée (Par Adama Gaye)

Attention, nulle part au monde, c’est le rôle de la sécurité de convoquer les gens sur la base de considérations sémantiques. Moustapha Diakhaté ne doit pas être convoqué pour avoir traité le pouvoir de « fasciste ». La ligne rouge est franchie, un Etat policier écoute et lit nos propos pour nous museler. Jamais cela n’a été le cas au Sénégal.
Je me souviens que même sous Senghor, les mouvements de gauche, dans leur jargon, lui collaient l’étiquette de fasciste sans pour autant devoir en répondre.
Il faut que les services de sécurité arrêtent. Ce n’est pas leur rôle ni leur mission, ni encore leurs prérogatives, de dicter nos consciences.
Ce terrorisme d’Etat, cette dictature, cette volonté de décider ce que nous devons dire, ce que nous pensons, ce qui se passe dans nos têtes ou dans nos domiciles, c’est précisément cela qui est le fascisme. Il pointe le bout du nez. Qu’il ne soit pas autorisé à agir en tribunal de nos consciences, premier pas vers la remise en question des libertés démocratiques.
J’ai peur pour le Sénégal, qui glisse vers l’intolérance sous le contrôle d’une sécurité d’Etat comme aux temps des tristement célèbres services de sécurité tels que la Stasi Est-Allemande ou la Securitate Roumaine.
Vivons nous les heures de chasse à l’homme que vécurent les américains quand Edgar Hoover, à la tête du Fbi, et le Sénateur Joseph McCarthy, mirent en œuvre une diabolique campagne intitulée McCarthysme pour éliminer les communistes ou qui étaient suspecté.e.s d’avoir une sympathie avec cette idéologie. C’étaient dans les années 50.
La même époque où, dans une Union Soviétique dirigée d’une main de fer par Joseph Staline, son bras droit, Lavrenty Beria, fit semer la terreur dans l’empire rouge au nom de purges sanglantes menées au service du patron du Kremlin !
Nos libertés ne doivent pas être réduites sous prétexte de nous surveiller pour limiter nos droits. Ni dans nos têtes ni dans nos intimités, l’Etat n’a aucun droit à venir nous y « policer » surtout que la Constitution nous accorde de larges libertés d’expression.
C’est ce qui en train d’être deconstruit. Pour plaire à un pouvoir…inquisiteur et autocratique ? Après l’avoir fait pour Macky Sall jusqu’à laisser des nervis, en collusion avec les services d’une sécurité dévoyée, tuer des citoyens et fermer les yeux sur la disparition de personnes dont des agents de la sécurité, tels Didier Badji et Fulbert Sambou, voici donc que nous ne sommes plus protégé.e.s à nouveau. L’Etat fait peur. Au lieu de protéger. Tout s’effondre !
L’heure est gravissime. Si rien n’est fait, bientôt le Sénégal ne sera plus ni respirable ni vivable.
Halte. Senghor, Diouf, Wade, Macky et tant d’autres dirigeants à travers le monde ont été accusés de pratiques fascistes par leurs adversaires politiques sans que ces derniers aient eu à en répondre.
A ce rythme, la sécurité nous dit: « taisez-vous! ». Notre démocratie est exécutée sans une bénédiction divine. Pire que l’ont été les moutons de Tabaski objets d’un sacrifice rituel.
Tout le Sénégal doit se lever, comme un seul homme, pour dire NON, non et NON à ces dérives de la sécurité publique. Allez nous chercher Seydina Ababacar Ndiaye que tout le pays veut voir rentrer chez lui, faites la police contre les brigands qui sèment la terreur dans nos quartiers ou surveiller la consommation de drogue qui ravage nos jeunes et détruit notre système éducatif, au lieu de vouloir penser à notre place.
À votre insu, vous créez les conditions d’une révolte générale. Le Sénégal n’est plus qu’un repoussoir. Qui n’a plus les attributs de son soft-power par lequel, selon mon professeur Joseph Nye, de Harvard, les Etats se démarquaient avantageusement. La sécurité, ce n’est contrôler la pensée des citoyens ni s’infiltrer dans leur intimité tant qu’ils ne sont pas des criminel.le.s au détriment de la société.
Le peuple du Sénégal, tout entier, est invité à se lever comme un seul homme pour endiguer les menaces de cette bête immonde qui veut l’étouffer et l’étrangler en tuant ses libertés. Debout !
Adama Gaye est un militant des libertés démocratiques.