Au Mali, le chef de la junte Assimi Goïta s’offre un mandat de président illimité
Un mandat de président de cinq ans renouvelable « autant de fois que nécessaire » et sans élection a été accordé au chef de la junte, le général Assimi Goïta, après l’adoption jeudi d’un projet de loi qui doit désormais être promulguée par le chef de la junte lui-même.
Cette mesure est la dernière d’une série de restrictions sévères aux libertés prises par les militaires pour consolider leur régime dans ce pays sahélien.
Le général Assimi Goïta, qui est actuellement président de transition, deviendra président de la République du Mali après l’entrée en vigueur de cette loi.
Le projet de loi a été voté à l’unanimité des 131 membres présents du Conseil national de transition (CNT), organe législatif de la junte.
La durée du mandat est fixée à cinq ans. Celui-ci est renouvelable, « autant de fois que nécessaire, jusqu’à la pacification du pays, à compter de la promulgation de la présente charte », selon le projet de loi consulté par l’AFP.
Le président de la transition, les membres du gouvernement et les membres du CNT sont éligibles à l’élection présidentielle et aux élections générales, précise le texte.
« Il s’agit là d’une avancée majeure dans la refondation du Mali », a déclaré à l’AFP à l’issue du vote Malick Diaw, président du CNT. « L’adoption de ce texte est conforme à la volonté populaire, puisqu’il émane des assises nationales de la refondation », a-t-il estimé.
Arrivés au pouvoir au Mali à la suite de deux coups d’État successifs en 2020 et 2021, les militaires s’étaient engagés à remettre le pouvoir aux civils au plus tard en mars 2024, mais ont depuis manqué à leur promesse.
L’adoption de ce projet de loi les maintient au pouvoir au moins jusqu’en 2030, sans passer par un processus électoral.
Répression des voix discordantes
Cette mesure vient appliquer les recommandations faites à l’issue d’une concertation nationale organisée par la junte fin avril.
Cette concertation nationale – marquée par la présence des soutiens du régime mais boycottée par la plupart des formations politiques – avait également demandé la dissolution des partis et des restrictions à leur possibilité d’en créer.
Lors d’une récente et rare prise de position publique à Bamako, des partis politiques avaient accusé la junte de vouloir leur dissolution, comme au Niger et au Burkina Faso voisins, également dirigés par des juntes militaires souverainistes. Ce rassemblement de partis, sous haute surveillance policière, avait réuni plusieurs centaines de personnes le 3 mai à Bamako et revêtu un caractère exceptionnel dans un contexte de répression de toute voix discordante.
Depuis, la junte dirigée par le général Assimi Goïta a annoncé la dissolution des formations politiques et des organisations à caractère politique dans le pays. Leurs membres ont également été interdits de réunion par les militaires.
Comme le Niger et le Burkina
Le Mali est en proie depuis 2012 à une profonde crise sécuritaire meurtrière, nourrie notamment par les violences de groupes affiliés à Al-Qaïda et à l’organisation État islamique, ainsi que de groupes criminels communautaires.
Les violences des groupes jihadistes ensanglantent ce pays depuis plusieurs années.
L’armée malienne et ses alliés, les mercenaires russes d’Africa Corps, chargés notamment de traquer les jihadistes, sont régulièrement accusés de commettre des exactions contre des civils.
Le Mali et ses voisins du Niger et du Burkina Faso se sont réunis au sein d’une confédération, l’Alliance des États du Sahel (AES). Au Niger et au Burkina, les partis politiques sont respectivement dissous et suspendus.
Le régime militaire du capitaine Ibrahim Traoré, arrivé au pouvoir au Burkina Faso en septembre 2022 par un coup d’État, a prolongé sa transition à la tête du pays pour cinq années supplémentaires en mai 2024.
Son voisin nigérien, le général Abdourahamane Tiani, qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum, a été proclamé président de la République en mars pour une durée minimale de cinq ans.
Comme le Burkina Faso et le Niger, le Mali a tourné le dos à ses anciens partenaires occidentaux.
Avec AFP