Affaires des journalistes et des détenus : Les avocats de la défense attaquent à l’international
Les conseils des personnalités politiques et médiatiques, écartelés entre plusieurs procédures, vont mener la bataille au niveau international pour contraindre l’Etat du Sénégal à respecter les droits des prévenus. Il y a la saisine des organismes de l’Onu et de la Cour de justice de la Cedeao en ce sens.
Depuis 15 mois, il y a une liste aussi longue que le bras de détenus pour des crimes supposés financiers et aussi d’opinion. Une situation qui met le pays dans une tension judiciaire permanente. Aujourd’hui, les avocats de la défense ont décidé d’enclencher une forme de contre-offensive au niveau international pour contraindre l’Etat du Sénégal à ne «pas entraver les droits» des détenus. Il y a Lat Diop, Farba Ngom, Tahirou Sarr, Mansour Faye, Moustapha Diop, Moustapha Diakhaté, Bachir Fofana… Et d’autres qui sont aussi sous contrôle judiciaire, soumis à des procédures «inquiétantes» et «l’instrumentalisation» de la Justice. Les avocats évoquent une quinzaine de procédures «émergentes» impliquant d’anciens ministres et hommes politiques, des chroniqueurs et journalistes, poursuivis et «parfois condamnés pour des délits qui, souvent, constituent des entraves».
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Les avocats sénégalais, qui mènent la «bataille» judiciaire depuis le début, se sont adjoints le Cabinet Vey et associés, pour plaider aussi à l’international. «Le Sénégal est une grande démocratie dans laquelle les gens s’identifient au respect de leurs droits individuels. Nous avons à cœur d’informer et d’activer les leviers juridiques nationaux et internationaux», déclare Me Antoine Vey, avocat aux barreaux de Paris et de Genève, entouré de ses confrères Me Oumar Youm et Me Amadou Sall. Il expose un «phénomène assez inquiétant» : «Une succession de personnalités mises en cause judiciairement par une juridiction qui semble elle-même largement politisée. Il est à craindre l’instrumentalisation de l’appareil judiciaire.»
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Dans le viseur, il y a la Haute cour de justice dont le fonctionnement ne respecterait pas les «droits» des prévenus. Une première requête a été déposée il y a une dizaine de jours auprès du Rapporteur spécial des Nations unies. «C’est un organisme judiciaire qui pose des difficultés car largement contrôlé par une majorité politique qui veut s’affranchir, sous des mobiles partisans, des règles de Droit et de leur application», rappelle Me Vey. Il a fait un constat :
«Les fonds de dossiers ne sont pas convaincants. Ce sont juste des accusations très peu étayées et qui reposent sur peu d’éléments objectifs (allégations de mauvaise gestion des ressources, etc.).» Le recours engagé vise, selon lui, à alerter sur un fait : «Des saisines massives d’autorités judiciaires qui ne présentent pas de garanties en termes de recours, de droit de la preuve et d’impartialité.» Pour lui, «certains dossiers sont en train de se terminer dans leur instruction, même si on a du mal à comprendre comment des dossiers aussi peu structurés pourraient être envoyés devant un Tribunal».
Me Antoine Vey gère la veille à l’international
Par ailleurs, Me Vey a saisi le Groupe de travail sur la détention arbitraire, qui examine les conditions dans lesquelles les accusés peuvent se défendre. L’objectif est d’engager «un rapport de dialogue avec les autorités sénégalaises en vue d’apporter des correctifs structurels relatifs au fonctionnement de la Haute cour de justice, de déclarer les procédures en cours non conformes au regard des droits fondamentaux des personnes mises en cause, de demander la suspension immédiate des procédures et la mise en liberté des personnes inculpées, et surtout de marteler publiquement des préoccupations fortes sur des dérives constatées au Sénégal dans l’appareil judiciaire».
Il cite un élément en matière de détention, à savoir un ancien ministre maintenu en prison malgré un rapport médical. «Quand une expertise médicale dit qu’une personne n’est pas en état d’être maintenue, elle devrait être libérée», dit-il. A ce stade, rappelle l’avocat, aucun des mis en cause n’a été condamné. «Ce sont des personnes qui sont mises en cause et qui ont besoin de pouvoir travailler avec leurs avocats pour publiquement contredire les accusations qui sont portées contre eux», insiste Me Antoine Vey. Il s’agit donc, selon lui, d’une question de respect des garanties fondamentales.
Evidemment, les décisions des organismes des Nations unies ne s’imposent pas forcément aux Etats. Mais, la symbolique est aussi importante à ses yeux. En tout cas, l’avocat rappelle que les Nations unies «opèrent un contrôle qui s’incarne par un rapport annuel sur l’état des libertés et le respect des droits humains dans les pays membres». Il assure qu’un rapport «peut peser sur les décisions de coopération, les accords de développement et, plus largement, sur l’image à l’international du Sénégal», reconnu comme une démocratie majeure en Afrique.
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En écho, Me Amadou Sall ajoute : «Il n’y a pas d’intérêt à persister dans cette direction qui nuit au développement du pays. Le régime de Diomaye n’a pas été élu pour chercher et attraper des voleurs. Mais ils sont élus pour régler les problèmes urgents des Sénégalais.» Il poursuit : «Le Sénégal, compte tenu de toute cette situation, est sous surveillance. Notre rôle est de nous battre, et nous avons saisi la Cour de Justice de la Cedeao qui nous a donné raison à plusieurs reprises dans plusieurs dossiers.» Il espère une décision favorable de la Cour de justice de la Cedeao concernant la Haute cour de justice : «Nous avons toujours eu des avis favorables de la part de la Cour de justice de la Cedeao. Nous resterons positifs.»
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